Connectez-vous pour créer une nouvelle archive.
À commencer par la combe de Château Queyras: un petit km de rapide large de 2 à 5 mètres, coincé entre deux parois verticales de 20m: "stairway to heaven" comme disent les anglo-saxons, a priori pas trop difficile, mais vraiment intimidant. À l'embarquement j'ai le sentiment d'être un veau qu'on amène à l'abattoir. Je me souviens d'un article de CKM où Raphaël Thiébaut parle de la combe, que j'avais lu plein d'envie il y a une dizaine d'années, alors que je n'avais pas encore commencé le kayak. J'allais enfin devenir acteur de cette descente, mais là, avec un mélange d'appréhension, de mauvaise conscience (on ne pagaie pas seul, parait-il) et de respect pour l'endroit, je n'en mène pas large. Du haut on ne voit pas grand chose mais j'avais pu repérer un des "crux" de la descente, en tout cas avec ce niveau d'eau: deux blocs difficiles à contourner, suivis d'un passage étroit où l'eau cisaille: là où la plupart des pagayeurs se vautrent dans les vidéos. À l'entrée de la combe je prends mon temps pour me chauffer un peu. Quand j'arrive sur le passage, mon stress et ma concentration sont au maximum: tout passe sans problème. Il faut dire qu'on avait descendu plus dur dans les jours précédents. 20m plus loin un petit seuil atterrit dans une piscine. Je me détends, sentant que le plus dur est fait. Pour la première fois je ressens le bonheur d'être dans cette combe. Je prends le temps d'observer les via-ferratistes qui me surplombent d'une dizaine de mètres. En aval quelques passages délicats m'attendent encore, mais je suis hyper confiant: plus rien ne peut m'arriver.
Je débarque au pont à la sortie de la combe, direction le dernier km de la combe de l'ange Gardien, avec notamment le rapide de la triple chute. Cet endroit photogénique me nargue également depuis des années puisqu'un poster arbore l'armoire "kayak" de mon garage. En arrivant sur site, ma confiance est bonne et après 10s de repérage, je sais que je vais la tenter. Le niveau d'eau ne laisse qu'une ligne réaliste: à ras des rochers RD. Le temps de repérer la chute située 50m en amont, et j'embarque. Cette première chute passe sans problème. Dans le contre, je m'aperçois combien la vue du haut de la route rendait les choses simples: ici, assis dans le kayak, la ligne "évidente" a disparu! Mais je suis trop confiant et il est trop tard pour hésiter: je me lance suivant le plan pré-établi. Au ras des rochers je suis un peu trop à droite et je sens mon kayak rebondir: heureusement ma ligne est conservée et je me présente pile au milieu pour le dernier seuil: la réception dans la mousse est super soft, je longe le rideau d'eau de la caverne sans la visiter: c'est gagné. Là, je profite de la beauté de l'endroit, et de ce nouveau point de vue sur la triple: magnifique. Le reste de la descente n'est qu'une formalité et je débarque à la Chapelue avec le sentiment du devoir accompli. Je peux savourer le meilleur sandwich jamais mangé au bord d'une rivière, et quelle rivière!»